Le principal fleuve de la péninsule est à sec après un hiver sans précipitations. Les ressources hydriques sont insufsantes pour répondre à la demande des ménages, de l’agriculture et des centrales hydroélectriques.
Jeudi, les deux principaux quotidiens italiens, le Corriere della Sera et La Repubblica, ont décidé de placer en une des photos du Pô à sec. Un choix commun qui montre la gravité de la situation. Toutes les stations de relevés du principal fleuve d’Italie, sauf celle de Piacenza, enregistrent actuellement des niveaux de « sévère sécheresse » —une tendance encore aggravée par la vague de chaleur qui a investi l’Italie cette semaine. En mars déjà, l’observatoire européen de la sécheresse anticipait une « compétition pour l’eau pendant les mois plus chauds ».
En cause, la diminution de l’enneigement des Alpes, en chute de 40% par rapport à la moyenne des dix années précédentes, et le faible taux des précipitations, « presque absentes » entre décembre 2021 et mars 2022. Le Pô, dont le cours délimite le nord et le centre du pays, fait de la plaine éponyme une des zones les plus fertiles d’Italie et constitue un élément crucial à l’équilibre naturel du pays. Son bassin hydrographique —qui débute dans le Piémont à l’ouest et se termine par un delta au niveau de l’Adriatique —couvre un quart de la superficie du pays et permet, en plus des activités agricoles, le transport par bateau et l’approvisionnement en eau de plusieurs régions. Priorité. Mais aujourd’hui, 125 communes ont commencé à rationner l’eau la nuit afin d’éviter les gaspillages et de maintenir une capacité normale aux heures plus chaudes.
La faiblesse du débit du Pô a également des répercussions sur des terres situées proches de la mer, qui se retrouvent envahies par de l’eau salée jusqu’à 15 kilomètres de la côte, endommageant au passage nappes phréatiques et sols. Le 10 juin, l’autorité qui gère le bassin du Pô, a déclaré que la situation était « la pire des 70 dernières années » et a décidé d’édicter plusieurs grands principes pour gérer les semaines à venir. Primo, l’agriculture aura la priorité sur la production d’énergie hydroélectrique. Dans le cas où la situation ne s’améliorerait pas, les centrales devront donc diminuer la quantité d’eau utilisée, voire suspendre leur activité. Secundo, les entités gérant les lacs ont été autorisées à diminuer le niveau de ceux-ci, déjà en dessous de la moyenne, pour augmenter la proportion d’eau arrivant dans la vallée. Si, pour l’instant, l’impact du rationnement reste limité pour les ménages, le secteur agricole prend, en revanche, la crise de plein fouet. Une mauvaise nouvelle alors que la filière subit déjà l’explosion des prix des matières premières et des pesticides.
«C’est pire que ce qu’on imaginait », souligne Massimiliano Giansanti, patron de Confagricoltura, la fédération regroupant la plupart des entreprises du secteur agricole. Ses premières données montrent une chute de la production de 50% par rapport à 2021, avant même de prendre en compte les difficultés concernant les céréales printanières et estivales : « Il fait très chaud, et on a peu d’eau. Ça veut dire qu’on devra choisir entre maïs, soja, tournesol et riz, on ne pourra pas tout cultiver », précise Massimiliano Giansanti, lui-même contraint de donner la priorité au maïs, « fondamental pour l’élevage ». Commissaire. Sur le long terme, face à la multiplication de ces phénomènes extrêmes, il faudra « augmenter l’efficacité de l’irrigation et mieux utiliser les données grâce à l’intelligence artificielle », ajoute-t-il. Dans l’immédiat, en revanche, il n’y a pas grandchose à faire, sinon plaider pour une meilleure gestion des ressources et prendre des décisions rapides pour affecter l’eau où elle est la plus nécessaire. Certains évoquent même la nomination d’un commissaire extraordinaire, sur le modèle du général Francesco Figliuolo, qui a géré les aspects logistiques et sanitaires de la crise de la Covid : « S’il fait pleuvoir une fois nommé, il est le bienvenu, sourit, amer, Massimiliano Giansanti. Il faudrait lui donner de réels pouvoirs pour trancher sur ces questions, sinon ce sera inutile. » Pour l’instant, la météo prévoit des températures proches de 35°C dans tout le pays au cours des jours à venir.